Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/158

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fatigue de tant de guerres ; sa tête vénérable semble s’incliner sous le poids de son casque ; il guide son cheval de la main gauche, son gantelet droit s’appuie à sa cuisse. Soudain il se redresse sur sa selle, arrête sa monture, et dit d’une voix grave :

— Halte, messieurs ! 


Cet ordre se répète de rang en rang jusqu’à l’arrière-garde ; l’un des volontaires servant d’aide de camp à l’amiral part au galop, afin d’ordonner aux éclaireurs de rester stationnaires. Une lueur presque imperceptible commençant de blanchir l’horizon annonce l’aurore ; un vent tiède s’élève du couchant et devient assez vif pour chasser devant lui quelques nuages ; ils voilent d’abord çà et là les étoiles, puis envahissent peu à peu toute l’étendue du firmament. Coligny, examinant l’aspect du ciel avec attention, dit à ses lieutenants :

— Le vent d’ouest s’élevant au moment de l’aurore présage ordinairement un jour pluvieux ; il faudra, messieurs, pousser vivement l’attaque avant que la pluie survienne, sinon le feu de notre infanterie serait à peu près nul. — Et s’adressant à Lanoüe : — Mon ami, les chefs de corps ont mes ordres ; faites mettre l’armée en bataille.

Lanoüe et quelques officiers s’éloignent afin d’exécuter les instructions de l’amiral. La route en cet endroit traversait un vaste plateau de plus d’une lieue d’étendue où l’armée protestante se développa et prit ses positions. Coligny, ayant pour lieutenants Lanoüe, Jean de Soubise, le prince Louis de Nassau, commandait la droite ; La Rochefoucauld commandait le centre et avait sous ses ordres : Henri de Béarn et Condé, le prince d’Orange, Wolfgang de Mansfeld et le Prince de Gerolstein ; enfin la gauche avait pour chef Saragosse ; les colonels Piles et Baudiné couvraient le flanc droit avec leurs régiments ; les colonels Rouvray et Pouilly, le flanc gauche. Les lanskenets et l’artillerie s’étendaient sur les ailes, et un corps considérable de cavalerie (vingt escadrons) se tenait en réserve avec plusieurs vieux régiments d’infanterie[1].


  1. Voir pour les détails de cette bataille, De Thou, LXV, t. V, p. 590 ; — Mémoires de Gaspard de Saulx, seigneur de Tavannes, t. I, p. 523 et suiv. ; — Mémoires de François de Lanoüe, t. I, p. 625 et suiv.