Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/100

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vous avaient fait condamner à la réclusion… Ces causes, lorsque je les connus, m’émurent vivement… De cette époque, date l’intérêt que vous m’avez inspiré… J’eus le bonheur, grâce à l’intervention d’un ami puissant, d’obtenir votre mise en liberté…

— Oui, je vous ai dû ma liberté, Frantz, — répond Victoria d’une voix mâle et cependant d’une douceur extrême, — et de plus, vous m’avez donné dans mon infortune des preuves d’une touchante affection… jamais je ne les oublierai…

— L’intérêt que je vous ai témoigné a d’autres motifs que votre infortune…

— Quels motifs… Frantz ?

Le prince reste un moment silencieux, puis :

— Victoria… savez-vous qui je suis ?

La jeune femme regarde le prince avec surprise et répond :

— Ne m’avez-vous pas dit que vous étiez étudiant dans l’une des universités d’Allemagne, votre pays natal ?

— Je vous ai trompée… Victoria…

— Me tromper, vous ?… vous que je croyais si loyal !…

— Je vous apprendrai tout à l’heure pourquoi j’ai dû pendant quelque temps vous déguiser la vérité… mais je veux d’abord vous faire connaître la nature du sentiment que vous m’inspirez… Je ne puis retarder plus longtemps cette confidence… Écoutez-moi donc, Victoria… je…

La jeune femme tressaille, interrompt le prince et répond avec un accent d’amertume profonde :

— Si je ne m’abuse, je pressens la suite et le but de cet entretien, Frantz ; aussi, avant de le poursuivre, et dans l’espoir de vous épargner un refus dont vous pourriez être blessé, je dois vous déclarer qu’aucun changement n’est survenu en moi… depuis que je vous connais… Je dois vous répéter ce que je vous ai dit lors de nos premières entrevues… « Mon cœur est pour toujours mort à l’amour… une seule passion m’absorbe, me domine : la vengeance !!! »