Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/101

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Et Victoria ajoute avec un sourire effrayant :

— Vous savez, Frantz, ce que j’ai à venger… car je ne vous ai rien caché de mon passé… si odieux qu’il fût ?…

— Oui, je sais que vous avez souffert… Je sais ce que vous avez à venger ; mais vous vous méprenez sur le sens de ma confidence… Vous craignez de ma part un aveu d’amour, n’est-ce pas ?

— Oui, telle était ma crainte.

— Rassurez-vous… Victoria… Si votre cœur est mort, le mien ne m’appartient plus… je l’ai laissé, en Allemagne, à une jeune fille, un ange de candeur, de vertu, de beauté. Elle est pauvre et d’obscure naissance ; j’ai juré Dieu qu’elle serait ma femme !!! je serai fidèle à mon amour et à mon serment.

— Merci, Frantz… merci de votre confidence… elle me délivre d’une pénible appréhension, — dit Victoria soupirant d’allégement. — Je vous aime avec une tendresse de sœur… ou plutôt d’ami… car je ne suis plus femme, et il m’eût été cruel de vous inspirer un sentiment que je ne pouvais partager… Mais quelle est donc selon vous la nature de votre affection pour moi ?… n’est-ce pas de l’amitié ?

— C’est plus que de l’amitié…

— Expliquez-vous, de grâce…

— Je ressens pour vous la tendre compassion due aux malheurs de votre enfance et de votre première jeunesse… une profonde estime pour les qualités vaillantes qui, en vous, ont résisté, survécu à tant de causes de dégradation ; enfin, je vous suis uni, Victoria, par un lien indissoluble qui se rattache au passé le plus lointain…

— Un lien… indissoluble… lequel ?

— Celui de la parenté…

Victoria regarde le prince avec une sorte de stupeur silencieuse. Il poursuit :

— Nous sommes de même sang, Victoria… nous sommes parents…

— Que dites-vous ?…

— Vous appartenez à la famille Lebrenn ?