Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/110

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équitables ; une fois encore, la dernière sans doute… l’insurrection imposera aux oppresseurs ces concessions toujours inévitables, dont l’octroi sage et loyal eût préservé le monde de tant de maux affreux ! Maudits soient alors les puissants du jour ! Ils se seront opposés par la force aux exigences impérieuses des nécessités du temps… Alors, Victoria, ce sera la guerre, la guerre civile ardente, implacable ! Ce sera le déchaînement des terribles passions populaires depuis si longtemps grondantes… Aucun frein ne les pourra contenir ! La justice de Dieu passera sur la terre saisie de terreur… Alors au milieu de cette tempête qui emportera les trônes et les autels… alors… et j’en frissonne, Victoria ! vous apparaîtrez redoutable comme la déesse de la vengeance… frappant de son glaive le vieux monde condamné au nom du salut des peuples ! Puis, vous disparaîtrez peut-être dans cette nuit de tourmente sans voir l’aurore des jours de paix, de bonheur qui succéderont à ces orages.

— Oh ! ma vie… ma vie entière pour une heure de ces grandes représailles ! — s’écrie la jeune femme palpitante d’une exaltation farouche ; — oui, ma vie dut-elle être cent fois plus misérable, plus abjecte, plus horrible, que celle qu’un roi m’a faite… je recommencerais de vivre… pour assister à l’heure de ces grandes représailles… Venez, Frantz, venez… vos frères m’attendent… je suis prête…

— Venez donc, Victoria, vous serez à nous comme nous serons à vous…

Le prince de Gerolstein et Victoria Lebrenn sortent de la salle basse, traversent le jardin, et pénètrent dans une ancienne orangerie à demi souterraine, faiblement éclairée par la réverbération d’une lumière placée au bas d’un escalier, qui de cette orangerie descend à une cave. Frantz prend sur la première marche un paquet dont il tire deux robes flottantes et deux masques ; puis, s’adressant à la jeune femme :