Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/126

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plus de répulsion que de sympathie aux deux époux, n’eût été l’abandon cruel dont il semblait victime. À peine entré dans la salle basse, il se mit à genoux, se signa et, joignant les mains, s’écria en continuant de pleurer : 


— Béni soyez-vous, Seigneur, mon Dieu ! d’avoir eu pitié de votre petit serviteur en le conduisant chez ce bon monsieur et chez cette bonne dame !

Et se traînant sur ses genoux auprès du Juif et de sa femme, le garçonnet baisa leurs mains avec une effusion et des suffocations de reconnaissance trop exagérées pour être sincères. Bethsabée le fit se relever, le prit sur ses genoux et lui dit en essuyant les larmes dont son visage était couvert :

— Calme ton chagrin, pauvre petit… Tu passeras la nuit dans notre maison… et demain, l’on te reconduira chez tes parents… Où demeurent-ils ? Comment t’appelles-tu ?

— Je m’appelle Claude Rodin, — répond l’enfant, et il ajoute avec un bruyant soupir, — le bon Dieu a fait la grâce à mes parents de les rappeler dans son saint paradis !…

— Pauvre chère créature… — reprit Samuel attendri, — tu es donc orphelin ?

— Hélas ! oui, mon bon monsieur… Défunt mon père était donneux d’eau bénite à Saint-Médard… défunte ma mère était loueuse de chaises à la même paroisse… Ils sont tous deux maintenant avec les anges.

— Et où demeures-tu ?

— Chez M. l’abbé… mon doux parrain.

— Quel est son nom ?

— M. l’abbé Morlet… ma bonne dame… un saint homme de Dieu… bon comme le bon pain !

— Et comment se fait-il, mon enfant, que tu te trouvés égaré à une heure si avancée de la nuit ? — reprend Samuel. — Tu es donc sorti tout seul de ta demeure ?