Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/135

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brodé d’or ; sa veste de taffetas blanc, aussi brodée d’or, disparaissait à demi sous les flots de dentelles de son jabot de point d’Alençon, d’un travail aussi précieux que celui de ses manchettes flottantes. Ses souliers à talons rouges étaient ornés de boucles de diamants et des diamants étincelaient aussi à la poignée de sa petite épée placée en verouil sous l’une des basques de son habit.

Le comte, à la vue de l’abbé Morlet, parut surpris ; et lui tendant cordialement la main :

— Eh ! bonjour, mon révérend… quel bon vent vous amène ? Je vous croyais encore à cent lieues de Paris ?

— Je suis arrivé tantôt, et, après avoir accompli quelques devoirs indispensables, je m’empresse d’accourir près de vous, afin de vous communiquer, mon cher comte, à vous, l’un des chefs du parti de la cour… les renseignements les plus importants, les plus graves sur le résultat de mes observations durant ma tournée dans plusieurs de nos provinces… Jugez de ma stupeur… lorsqu’en arrivant chez vous, j’apprends par votre premier laquais… Mais non… je ne puis croire…

— Achevez…

— Il n’est point vrai, n’est-ce pas, que vous vous soyez démis aujourd’hui même du commandement de votre régiment ? Cela est impossible ?…

— Cela est au contraire fort possible, mon cher abbé ; puisqu’il en est ainsi.

— Quoi !… vous renoncez à votre régiment ?

— J’ai ce matin, à Versailles, prié le roi d’agréer ma démission…

— Ainsi, — reprend le jésuite avec un accent d’amer reproche, — la monarchie, la noblesse, le clergé, sont plus audacieusement attaqués, menacés, qu’ils ne l’ont été durant les plus mauvais jours de notre histoire !… Et c’est à cette heure que vous… vous l’un des plus grands seigneurs de France… vous, homme d’esprit et de courage intrépide, vous, enfin, l’un des chefs du parti de la cour, vous