Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/153

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chef de ma maison et que je renie avec horreur… Dis, comte… est-ce assez odieux !

— Calme-toi, vicomte, et patience ; sous peu de jours, demain peut-être, cette immonde populace, rudement châtiée… rentrera dans la fange où elle naquit, et n’osera plus jamais en sortir… Nous allons ce soir concerter nos dernières résolutions…

— Son Excellence la marquise Aldini ! — annonce en ce moment, à haute voix, l’un des valets de chambre de M. de Plouernel ouvrant les deux battants de la porte du salon où il introduit Victoria Lebrenn sous son nom et sous son titre d’emprunt.


Les convives de M. de Plouernel voyaient pour la première fois la prétendue marquise Aldini ; tous restèrent surpris et frappés de sa mâle beauté rehaussée par la splendeur de sa parure étrange. Victoria portait une robe traînante de gros de Tours ponceau ornée de magnifiques dentelles noires. La coupe de ces vêtements laissait nus ses bras, ses épaules et la naissance de son sein qui semblaient taillés dans le marbre le plus pur par un statuaire antique. Ses opulents cheveux noirs ne disparaissaient pas selon la coutume sous une couche de poudre blanche, mais brillaient du lustre de l’ébène, et, s’enroulant en nattes nombreuses et épaisses autour de sa tête, ils couronnaient son noble front ; un triple fil de sequins de Venise lui servait de diadème et de collier. Rien ne saurait donner une idée de l’ensemble de cette parure originale, élégante et sévère, d’autant plus remarquable qu’elle différait complètement des atours pomponnés de ce temps-ci et s’harmoniait à merveille avec le caractère viril de la beauté de Victoria.

Les convives de M. de Plouernel, saisis d’admiration, gardent un moment le silence, tous les regards s’attachent invinciblement sur cette étrangère de qui l’abbé Morlet subit lui-même en ce moment le charme fascinateur, et, la contemplant attentivement, il se dit :