Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/168

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l’attention publique, puis soudain surprendre nos ennemis à l’improviste, les écraser d’un coup de foudre… Mais non ! ce ministère a l’imprudence d’annoncer hautement de prochains rassemblements de troupes. Aussitôt, de vagues rumeurs circulent dans Paris sur les noirs projets de la cour ; ces bruits grandissent, colportés, exagérés par les factions. Bientôt, ils prennent une consistance telle, que Paris s’agite et fermente… L’Assemblée nationale s’émeut ; elle somme audacieusement les ministres du roi d’expliquer le but de la concentration des troupes aux environs de Paris… Le ministre balbutie et, comble de la maladresse ! il propose au nom du roi à l’Assemblée, dans le cas où elle ne se croirait pas en sûreté à Versailles, de s’en aller tenir ses séances, où cela ?… à Noyon, ou à Soissons… En d’autres termes, c’était proposer naïvement aux révolutionnaires de se mettre de leur plein gré la corde au cou ! de se rendre à la merci du pouvoir royal en s’éloignant du voisinage de Paris, dont la populace est leur unique appui. Ah ! les conséquences de ces fautes impardonnables, jointes au renvoi trop tardif de Necker, ne se sont pas fait attendre ! Paris est depuis trois jours en proie à une agitation menaçante ! Le berceau de la sédition a été le jardin du palais de cet ignoble d’Orléans. De là est parti le premier appel aux armes, poussé par un forcené nommé Camille Desmoulins.

le marquis, riant. — Oh, oh, oh, Desmoulins ! oh ! la belle révolution d’ânes et de meuniers ! révolution des… moulins ! ah, ah, ah !

le cardinal. — Tais-toi donc, marquis ; encore une fois, tu es ivre… va te coucher !

victoria. — Qu’ajouterai-je ? La révolte, jusqu’alors latente, s’est soudain dressée le fusil à la main ; la populace s’est ruée sur les soldats, le sang a coulé, les cavaliers du brave prince de Lambesc ont vaillamment fait leur devoir ; mais d’infâmes défections ont déshonoré l’uniforme des gardes-françaises… L’audace des séditieux s’est accrue, et, à cette heure sans doute, les troubles dans Paris vont toujours croissant.