Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/171

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l’intendant. — Oui, monseigneur, si ce n’est que presque tout le faubourg Saint-Marcel est quasi désert…

le comte de plouernel. — Quelle est donc la cause de cette désertion ?

l’intendant. — Les méchantes gens de ce quartier, au nombre d’une vingtaine de mille, s’en étaient allés dans la journée à l’Hôtel de Ville pour demander des armes… Le digne M. de Flesselles, le prévôt des marchands, pour se débarrasser de ces forcenés, les a envoyés se promener chez nos bons pères en Dieu les lazaristes, qui avaient soi-disant chez eux de la poudre et des fusils. Quand cette grand’bande de gueux est arrivée au couvent des Révérends, ces bons religieux ont répondu à ces nigauds que M. de Flesselles s’était moqué d’eux, vu que jamais un grain de poudre ou un fusil n’était entré dans le couvent de Saint-Lazare. Alors, les bandits du faubourg Saint-Marcel ont proféré d’effroyables menaces de mort contre ce digne M. de Flesselles, et ils ont été rejoindre une autre grand’bande de scélérats du faubourg Saint-Victor, et ils s’en sont tous allés aux Invalides pour y piller des armes.

le comte de plouernel. — Et ils ont été, je l’espère, reçus à coups de fusil par ces braves vétérans ?

l’intendant. — Hélas ! non, monseigneur ; les invalides n’ont fait, dit-on, presque aucune résistance, et l’on assure que ce mauvais peuple s’est emparé là de plus de trente mille fusils et de plusieurs canons.

le vicomte de mirabeau. — Les invalides ! eux, de vieux soldats, livrer leurs armes !!! Mais en cet abominable temps, l’on rencontrera donc partout défection et trahison !!!

le marquis, riant. — Parbleu ! voilà ces canailles bien nanties avec leurs trente mille fusils… hi, hi, hi… et leurs canons par dessus le marché… ah, ah, ah ! Je les vois d’ici, ces beaux soldats en haillons ! ces beaux canonniers en bonnets de laine…

le comte de plouernel, à l’intendant. — Tu n’as pas d’autres nouvelles ?