Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/215

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— Lorsque tout à l’heure vous êtes entré, je priais maman de rappeler ses souvenirs au sujet de M. Jean Lebrenn.

— Encore ce nom ! — s’écrie l’avocat avec une impatience chagrine, — ce nom qui maintenant m’est odieux !

— Il ne faut pas que ce nom vous soit odieux, mon père…

— Qu’est-ce à dire ?… il ne faut pas ?…

— Accordez-moi, de grâce, quelques moments d’attention…

— Soit… je t’écoute…

— Je ne vous rappellerai pas le jugement si favorable que cent fois je vous ai entendu porter sur M. Lebrenn.

— Cela prouve que j’étais abusé sur son compte, voilà tout.

— Non, mon père, vous ne vous abusiez point… non, ce jugement alors favorable était mérité… il l’est encore… il le sera toujours !

— En vérité, ma fille… je ne comprends pas votre insistance à ce sujet…

— Permettez-moi d’achever… Je ne vous rappellerai pas non plus les nombreux témoignages de dévouement que vous a donnés M. Lebrenn… notamment lors de votre élection… je veux seulement vous citer un fait… que vous ne pouvez, mon père, avoir oublié… Il y a quelques mois de cela… un soir, nous étions ici, réunis en famille, avec M. Lebrenn ; et dans la confiante expansion de votre amitié pour lui… vous lui avez révélé l’infâme outrage dont vous aviez été victime de la part de M. le comte de Plouernel…

— Charlotte… assez… assez ! — s’écrie l’avocat, les sourcils froncés. — Par respect pour moi, vous ne devriez jamais évoquer ce souvenir ! !

— Croyez-le, mon père, il m’en coûte beaucoup de raviver une plaie toujours saignante dans votre cœur… mais rappelez-vous la généreuse colère de M. Lebrenn à cette révélation !… Des larmes roulèrent dans ses yeux… soudain il s’élançait vers la porte du salon, lorsque, suivant ses pas et l’arrêtant, vous lui avez demandé