Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/231

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vous ne pourrez plus contempler les traits chéris de votre enfant… mais du moins… oh ! du moins vous pouvez entendre ma voix… et cette voix vous dira : Courage, glorifiez-vous dans votre fils ! que la conscience de ses mâles vertus civiques, de la noblesse de son caractère, de l’élévation de ses sentiments, de l’excellence de son cœur… soit la douce consolation de votre auguste infortune… Ah ! pour la première fois, vous me faites connaître l’envie… car jamais… entendez-vous bien… jamais père n’a dû être plus orgueilleux que vous ne devez l’être de posséder un tel fils… et je vous l’envie ! le ciel vous le réservait pour l’oubli de vos malheurs ! ! Pieuse récompense de l’affection filiale de ce généreux jeune homme !

Cette allocution, prononcée par l’avocat Desmarais avec l’apparence d’un attendrissement irrésistible, émeut profondément le populaire, si impressionnable au sentiment familial ; des larmes coulent de tous les yeux. Le père de Jean Lebrenn le serre dans ses bras avec effusion, et Charlotte, ne retenant pas les pleurs de joie dont son beau visage est inondé, se dit en levant vers le ciel un regard de reconnaissance ineffable :

— Soyez béni, mon Dieu !… mon père… a reconnu l’injustice de ses préventions contre Jean ! Il envie un pareil fils… n’est ce pas consentir d’avance à notre mariage ?…

L’émotion produite par cette scène touchante s’étant apaisée, l’avocat Desmarais reprend, en répondant par de nouveaux gestes de gratitude cordiale aux transports dont il est l’objet :

— Adieu et à revoir, citoyens ! mes amis… mes frères… je retourne à Versailles… L’Assemblée nationale nous avait chargés, trois de mes collègues et moi, de venir nous informer par nous-mêmes de l’état des choses à Paris… Savez-vous, citoyens, en quels termes je rendrai compte de ma mission à l’Assemblée ? Je dirai comme César : Je suis venu… j’ai vu… j’ai vaincu !… Oui ! car je suis du peuple, et le peuple a vaincu !

— Bravo ! — Vive la nation ! — Vive Desmarais !