Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/253

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sinon… l’avocat Desmarais est un hypocrite… un traître ! Ne serait-il pas alors de ton devoir, de ton honneur, mon frère… de démasquer ce fourbe ?… N’as-tu pas garanti à tes amis son dévouement à leur cause ?… Ne peut-il pas enfin dangereusement abuser de la popularité qu’il a surprise par ses protestations mensongères ?

— Rien de plus juste que les paroles de Victoria, — dit le vieillard. — Tu dois, mon fils, mettre en demeure M. Desmarais de se prononcer aujourd’hui même…

Jean, après un moment de réflexion :

— Il ne s’agit pas seulement, en effet, de mon amour… mais aussi de la grave responsabilité que j’ai assurée sur moi… en répondant à mes amis, des convictions de M. Desmarais. Je vais me rendre chez lui, afin de lui adresser loyalement ma demande ; mademoiselle Charlotte ne pourra qu’approuver ma démarche, lorsqu’elle en connaîtra les motifs.

— Mon frère… encore un mot, — ajoute Victoria étouffant un soupir. — Depuis longtemps tu as dû instruire M. Desmarais… de la disparition de mon père ?…

— Oui… M. Desmarais savait qu’ensuite d’un écrit publié par notre père… il avait disparu… et que nous le croyions mort, ou enfermé dans quelque prison d’État… Tu as été témoin de l’émotion de M. Desmarais lorsque tout à l’heure il a si chaleureusement témoigné sa joie de la délivrance de notre père…

— Jean… — reprend lentement Victoria, et son pâle visage devient pourpre. — M. Desmarais connaît-il l’écrit publié par notre père ?

— Certes… et des larmes d’indignation et de douleur ont souvent coulé de ses yeux en parlant de l’infâme attentat commis sur toi par cet exécrable roi !

À ces mots qui ravivaient l’affreux souvenir de la cause première de tous les malheurs de la famille Lebrenn, un profond silence règne dans leur pauvre demeure. La mère cache son visage entre ses