Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/270

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nait à sa physionomie résolue, à son regard intrépide, que chez lui l’énergie morale suppléait largement à la force physique ; il gardait en ce moment un silence recueilli. Sa sœur et M. Desmarais semblaient attendre avec une curiosité inquiète le résultat des réflexions du financier. Il reprit enfin d’un ton sec et sardonique :

— Ensuite de vos piteuses confidences, mon cher beau-frère… je devrais vous rappeler mes prévisions, lorsqu’il y a quatre mois je vous disais : — « Votre ressentiment d’un outrage indigne et surtout votre ambition d’une détestable popularité vous poussent à embrasser à l’étourdie ce que vous appelez « la cause du peuple. » Vous ignorez ce que c’est que le peuple… vous l’apprendrez un jour à vos dépens… » — Ma sincérité a causé entre nous une sorte de rupture, mais en présence du danger je reviens à vous, mandé par ma sœur… Mes prévisions sont réalisées, dépassées, l’exécrable journée d’aujourd’hui a déchaîné la populace… Vous voici encore tout pâle, tout épouvanté des cris de mort qui ont résonné à vos oreilles !… Ah !… Je vous le disais bien, moi que…

— Mon cher Hubert, — répond M. Desmarais avec une impatience contenue et interrompant le financier, — de grâce… ne nous occupons pas de politique en ce moment… Ma femme, craignant pour moi un grand danger, vous a appelé près de nous, vous avez généreusement oublié nos discords ; je vous en remercie. Nous vous avons confié le malheur dont nous sommes frappés dans notre fille indignement éprise de ce garçon serrurier, notre voisin… et dans cette pénible conjoncture… ma femme et moi nous vous demandons vos conseils… Ces conseils, de grâce… quels sont-ils ?

— Soit… laissons de côté la politique… Cependant puisqu’il s’agit du dégradant amour de ma nièce pour cet artisan… il me faut bien vous rappeler que souvent… et telle a été la cause décisive de notre rupture… que souvent je vous ai reproché, beau-frère, la bassesse de vos familiarités avec ce garçon… En vain vous me répétiez qu’il était la cheville ouvrière de votre élection… que vous deviez