Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/312

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bre. Mais le géant, évidemment offusqué par la vue des pistolets incessamment braqués sur lui par Frantz de Gerolstein, et ne voulant recourir à la force qu’à la dernière extrémité, contient d’un geste les brigands et s’adressant à Jean :

— Livre-moi l’aristocrate et tes papiers… je te fais grâce…

— Toi, me faire grâce… misérable ! Hors d’ici sur l’heure, sinon je t’enfonce ma baïonnette dans le ventre !

— Une fois… deux fois, tu ne veux pas livrer l’aristocrate et ses papiers ?… — reprend lentement Lehiron, ne quittant pas de l’œil Frantz de Gerolstein, qui le tient toujours ajusté. — Une dernière fois tu refuses ?

— Hélas ! mon Dieu… ayez pitié de nous ! — murmure madame Lebrenn, égarée par l’épouvante et serrant convulsivement dans ses bras le vieil aveugle, qui, brisé par ce nouveau coup ajouté aux émotions de la journée, semble près de défaillir. — Mon mari… mes enfants… oh ! perdus… perdus ! ! On va nous massacrer !

— Hors d’ici, scélérats… — avait répondu Jean Lebrenn à la sommation de Lehiron. Celui-ci fait un geste de commandement à ses bandits et s’écrie :

— En avant ! en avant ! ! Les traîtres et les aristocrates à la lanterne ! !

Ce disant Lehiron se jette de côté brusquement et se baisse avec prestesse, afin d’échapper au feu de Frantz de Gerolstein. Mais celui-ci change non moins prestement la direction de son arme… l’abaisse… vise… tire… et le géant, après s’être redressé convulsivement presque debout, étend les bras en croix, abandonne son coutelas, s’affaisse sur ses genoux et tombe la face contre terre… Ses complices, aussi lâches que féroces, effrayés du sort de leur chef, dont l’audace les exaltait, les entraînait, hésitent à s’avancer… Victoria s’élance sur eux son couteau de chasse à la main, balafre le premier qui se rencontre. Jean les charge à la baïonnette, et Frantz, dédaignant de tirer sur ces misérables, saisit un chenet dans la