Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/328

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Tels sont les principes si clairs, si vrais et d’une logique si saisissante que Robespierre voulait proclamer au mois de juillet 1789, lorsqu’il montait à la tribune afin de combattre cette affirmation de Mounier, l’un des chefs des monarchiens : — « La monarchie est le gouvernement qui convient à la France… »

« — Je demande de pouvoir exprimer à ce sujet toute ma pensée… sans craindre les murmures… » — dit Robespierre. Mais aussitôt un tumulte effroyable couvre sa voix et le réduit au silence ; or contradiction étrange chez ce grand homme de convictions inexorables toujours déclarées, soutenues par lui avec l’inflexibilité de son caractère, Robespierre ne tenta plus depuis cette séance jusque vers la fin de 1792 de confesser sa foi républicaine. Il éluda même de s’expliquer nettement à ce sujet dans plusieurs séances du club des jacobins, qu’il dominait par l’élévation de son génie et de son civisme. Cette contradiction apparente peut s’expliquer par le calcul d’une réserve, d’une défiance, d’une prudence excessives unies chez Robespierre à une profonde sagacité politique. Comptant sur la marche irrésistible des événements qui devaient un jour assurer l’existence de la république encore au berceau en 1789, craignait-il peut-être d’attirer prématurément sur elle l’attention de ses ennemis naturels.

Il n’importe ! la Déclaration des droits de l’homme portait la république dans ses flancs ; les principes consacrés par cette déclaration inauguraient une société nouvelle. Il fallait appliquer ces principes en les traduisant en lois et ainsi déblayer l’effrayant chaos que présentait la France monarchique. Ici régie par le droit romain, ailleurs par le droit coutumier, telle province était soumise au régime des gabelles dont telle autre province se rédimait ; les pays d’élection payaient l’impôt des aides tandis que les pays d’État octroyaient des dons gratuits. Il y avait la France du concordat papal et la France du pays d’obédience. Enfin, une même province était financièrement une généralité, militairement un gouvernement, ecclésiastiquement