Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/75

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dont ils se montrent indignes, de retenir le peuple dans l’oppression, le tiers état osera demander à quel titre. Si on lui répond : À titre de conquête ! il ne craindra pas de remonter à la source du passé. Pourquoi ne renverrait-il pas alors dans les forêts de la Germanie ces familles qui prétendent être issues de la race des conquérants ? La nation ainsi épurée pourra se consoler d’être réduite aux descendants des Gaulois ! »

Jetez un rapide coup d’œil à travers les âges, fils de Joël, et vous verrez nos pères incessamment marcher vers leur délivrance accomplie de nos jours ! Au sixième siècle, à la suite des insurrections auxquelles prirent part nos aïeux, Karadeuk-le-Bagaude et Ronan-le-Vagre, le roi Clotaire II n’est-il pas déjà obligé de céder certaines chartes qui assurent quelques franchises aux révoltés ? Ainsi, Loysik, le moine laboureur, frère de notre aïeul Ronan, obtient l’indépendance des habitants de la vallée de Charolles ? Plus tard, du dixième au douzième siècle, l’insurrection ne fut-elle pas encore le principe et la source des deux grandes formes de la constitution municipale : la commune proprement dite, et la cité régie par les consuls ? Rappelez-vous ce premier article de la commune de Laon, charte que nous a transmise notre aïeul Fergan-le-Carrier :

« Les hommes de la commune de Laon demeureront entièrement libres de leurs biens et de leurs personnes ; ni le roi, ni les évêques, ni aucuns autres ne pourront réclamer d’eux quoi que ce soit, si ce n’est par le jugement des échevins élus par les gens de la commune. »

Ces précieuses franchises des communiers leur sont bientôt ravies par les rois, par la noblesse et par l’Église. Il n’importe ! la lutte recommence acharnée entre les fils des conquis et des conquérants ; au quatorzième siècle, Étienne Marcel, prévôt des marchands (dont notre aïeul Mahiet-l’avocat-d’armes fut l’ami), impose à la royauté une constitution plus radicale, plus républicaine que celle dont la ratification fut imposée de nos jours à Louis Capet par l’Assemblée