Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/103

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— Il a été profondément affligé, car elle manquait de droiture, de sincérité ; aussi m’a-t-il dit, et pèse bien ces paroles, chère maman : — « Je n’ai jamais manqué de franchise envers vous, Charlotte, je vous avoue donc, dans l’ignorance où je suis de vos projets et de ceux de votre famille, que s’il vous convient de vivre auprès de votre père, je me soumettrai à vos désirs, et je lui cacherai toujours le peu d’estime que, malheureusement, m’inspire son caractère ; mais s’il entrait dans vos vues de ne plus habiter la maison paternelle après notre mariage, je serais d’autant plus heureux de cette résolution qu’elle me permettrait de ne pas me séparer de ma sœur. » — Et, à ce sujet, ma mère, — ajoute Charlotte, les yeux humides et avec une touchante émotion, — Jean m’a donné une preuve de confiance aussi honorable pour lui que pour sa sœur : il m’a dit…

—… Que cette infortunée avait été enlevée tout enfant, conduite à Versailles, et…

— Il m’a dit cela, mais il a ajouté sous le sceau d’un secret que je dois garder, même envers ma mère, des confidences…

— Sur la vie de sa sœur depuis cette funeste époque jusqu’à celle où il l’a retrouvée ?

— Oui, mais je puis, en gardant le secret qui m’est imposé, te jurer que si mademoiselle Lebrenn a été la plus malheureuse créature qui soit au monde, personne plus qu’elle au monde ne mérite l’intérêt et le respect de tous.

— Gertrude me parlait hier de mademoiselle Lebrenn, et m’assurait que, depuis plus de quatre ans qu’elle habite notre quartier, chacun s’accordait à louer sa conduite exemplaire. Mon mari s’est servi de ce prétexte pour donner à croire à M. Lebrenn que s’il lui avait autrefois refusé ta main, uniquement parce que sa sœur avait été la maîtresse de Louis XV, cet obstacle n’existait plus, mademoiselle Lebrenn ayant, par ses vertus, racheté le passé. Mon Dieu ! peut-on pousser plus loin l’hypocrisie ! tant de fourberie et de mensonge ne