Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/23

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moyens d’action contre la république appauvrie, déchirée par les factions, et presque sans armées disciplinées. Mais le jésuite ne soupçonnait pas, ne pouvait pas soupçonner, malgré sa profonde sagacité, quels prodiges devaient enfanter bientôt le patriotisme et la foi républicaine.

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Morbleu ! mon révérend, eussiez-vous cent fois raison, ce que je n’admets pas, pourquoi avez-vous jusqu’ici pris part à nos projets ? pourquoi les avez-vous approuvés ? pourquoi avez-vous mis à notre disposition votre âme damnée, Lehiron et sa bande, afin d’engager l’affaire ?

LE JÉSUITE MORLET. — Premièrement, je puis m’être trompé jusqu’ici dans mes conjectures : errare humanum est. Or, le fait de l’homme sensé est de ne point s’opiniâtrer dans son erreur. Secondement, et ceci pour moi est capital, car, fussé-je partisan déterminé de l’insurrection, j’y renoncerais sur l’heure ; secondement, dis-je, j’ai reçu du général de notre ordre, séant à Rome, cette significative et brève instruction : Il importe excessivement à notre sainte mère, l’Église, que Louis XVI soit couronné des palmes immortelles du martyre.

LE MARQUIS. — hi ! hi ! hi ! il est impossible de parler plus congrûment, plus galamment de la machine de ce bon M. Guillotin. Ah ! ah ! ah ! qu’ils sont donc plaisants, ces bons pères ! qu’ils sont donc divertissants !

LE JÉSUITE MORLET. — Donc, après avoir prouvé le péril, l’inutilité de la conspiration, je déclare nettement ne vouloir plus prendre la moindre part, directe ou indirecte, à la chose ; lui refuser les moyens d’action dont je puis disposer, m’y opposer enfin par tous les moyens possibles, licites ou illicites, parce que la chose me paraît, après mûr examen : pernicieuse, absurde, folle, et allant directement contre le but que nous nous proposons, à savoir, l’intérêt bien entendu de l’Église, de la monarchie, de la noblesse et de la bonne bourgeoisie. Sur ce (ajoute le jésuite en se levant et saluant), je tirerai, s’il