Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/269

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— Olivier, vous m’épouvantez… je devine votre secrète pensée, malheureux enfant !…


— Bonsoir, mademoiselle Victoria, — répond l’apprenti d’un ton glacial, en faisant un nouveau mouvement pour se diriger vers la porte ; mais Victoria, le retenant toujours par la main, s’écrie :

— Je vous répète, Olivier, que je devine votre pensée… je ne vous laisserai pas seul en ce moment… vous ne jouissez pas de votre raison…

— Je vous demande pardon, mademoiselle Victoria, j’ai toute ma raison… et si vous devinez ma pensée secrète, vous devez comprendre que nulle puissance au monde… entendez-vous… nulle puissance au monde n’est capable de s’opposer à ma résolution !

— Quoi ! mes instances… mes prières…

— Vos prières n’empêcheront rien…

— Quoi ! vous aurez la cruauté de me laisser à jamais sous le poids de cette horrible pensée, que moi… moi qui vous chéris comme un fils… j’ai causé votre mort !…

— C’est votre faute… il fallait me laisser mourir ce soir ; maintenant tout serait fini, mademoiselle Victoria… C’est donc à recommencer… Je recommencerai, mais pas en ce logis… soyez tranquille…

— Ah ! c’est affreux ce que vous me dites là !

— Je n’ai aucun ressentiment contre vous, mademoiselle Victoria… Votre cœur est compatissant, votre caractère généreux… J’ai voulu, vous le savez, me tuer… je veux me tuer, parce que vous ne voulez pas ou ne pouvez pas m’aimer… Il faut donc, et de cela je ne doute pas, je vous le jure, il faut donc que l’obstacle qui vous sépare de moi soit en effet insurmontable… Sans cela, j’en suis certain, vous ne me laisseriez pas mourir à dix-huit ans…

— Mais, malheureux enfant, lors même que je ne serais pas d’un âge à être votre mère… je vous dis, la rougeur au front, la mort dans le cœur… oui, je vous le répète puisque vous m’y forcez… mon passé est si honteux… entendez-vous… les égarements de ma jeunesse ont