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9 BRUMAIRE AN II DE LA RÉPUBLIQUE (31 octobre 1793).

Hélas ! ainsi que je l’avais prévu, Vergniaud et ceux de ses amis qui, après la loi du 31 mai, se démettant de leurs fonctions, étaient loyalement restés prisonniers sur parole à Paris, ont porté iniquement la peine de l’exécrable trahison des Brissot, des Buzot, des Barbaroux, des Lanjuinais et autres girondins qui, s’évadant de Paris, se sont répandus dans les provinces, les ont soulevées contre la Convention au nom du fédéralisme et ont armé le bras de Charlotte Corday. Déplorable aveuglement… fatal entraînement des partis… Envelopper dans la même accusation capitale les scélérats de la gironde, coupables d’avoir déchaîné la guerre civile au moment où la république était menacée de toutes parts, et des hommes comme Vergniaud, Guadet, Gensonné, républicains sincères, moralement, matériellement étrangers au crime de lèse-nation dont on les rend solidaires, et à qui on ne peut reprocher que leur manque d’initiative révolutionnaire. Dieu juste !… frapper Vergniaud, le patriote dévoué, le citoyen intègre, l’orateur illustre !… l’une des gloires les plus pures de la révolution, qu’un jour peut-être il aurait pu servir encore !… car, Saint-Just l’a proclamé à la face du pays : — « La période révolutionnaire n’est que momentanée, c’est une arme de guerre forgée pour les nécessités de la guerre. » Cette arme sera déposée lors de la paix, prochaine peut-être, si l’on en juge d’après nos victoires… et, la paix assurée, le gouvernement régulier, légal reprendra son cours ; alors Vergniaud et les autres girondins innocents des trahisons dont on les a faits complices pour les envelopper dans le même arrêt de mort auraient, eux, hommes de gouvernement légal, été d’un puissant concours à la chose publique en un temps normal où l’action énergique et concentrée des jacobins ne devenait plus nécessaire. Qu’en nos jours de tourmente on eût relégué à l’écart, détenu ou même temporairement banni Vergniaud et ses amis, s’ils inspiraient quelques craintes au parti dominant aujourd’hui, ces mesures sévères, rigoureuses étaient concevables…