Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/331

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En joue… Et Besnard allait, pardieu, commander feu, lorsque le général tourne bride. Ne pouvant fuir, il retourne, fait face à l’ennemi, rallie d’autres fuyards aussi arrêtés par l’énergique attitude de Besnard, et un parti de cavalerie prussienne qui poussait notre retraite s’arrête devant ce retour offensif en voyant le pont de Warge-Moulin si bien gardé. Dumouriez a écrit au ministre que notre bataillon, en tenant bon à son poste d’arrière-garde, a sauvé l’armée d’une déroute, et cela, tu le conçois, nous met à tous du cœur au ventre. »

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Et maintenant, fils de Joël, jugez de la légitime et noble fierté qu’ont dû ressentir les parents, les amis des volontaires nommés dans la lettre précédente !… Quel radieux contentement que celui du père de Besnard, — « le riche marchand d’eau-de-vie de la porte Chappellier, en face l’auberge du Griffon. » Son fils Besnard, le grêlé, le couturé, le dur à cuire, qui ne brillait pas dans un salon, est devenu l’un des héros d’Angers, sa ville natale ! et non-seulement la cité, mais le département s’enorgueillit de voir son bataillon si bien mériter de la patrie.

Dites, n’est-ce pas un puissant incitant au courage militaire, au dévouement civique, au sacrifice de sa vie que la conscience de savoir que si l’on est blessé, mutilé, que si l’on meurt pour la patrie, votre bravoure sera honorée, votre mémoire pieusement conservée, glorifiée dans votre cité natale ?… Cette consolante et suprême créance qui embellit les derniers moments d’un volontaire, comparez-la, fils de Joël, à la morne désespérance dont est saisi, lorsqu’il tombe mourant à la bataille, le pauvre soldat isolé, perdu dans un régiment, où il n’a souvent pas eu la douceur si grande et si rare d’avoir rencontré un pays ! Celui-ci, du moins, aurait pu écrire au village que Pierre était mort au champ d’honneur, qu’il s’était battu bravement… Mais non ! la famille du pauvre soldat n’aura pas même cette consolation… et pis encore, elle pourra longtemps rester en