Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/342

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le cas de le dire, percés jusqu’aux os… les os compris… » Mais bah ! on finit par prendre l’habitude de passer à travers ces gouttes de plomb… et l’on s’en tire, puisque me voilà et que l’ami Jean est de faction pour le quart d’heure.

— Donc le général Carlenc, qui nous commandait alors, — reprend le capitaine Martin, — nous avait concentrés dans les lignes de Wissembourg, retranchement élevé sur les rives de la Lauter. Le duc de Brunswick, commandant l’armée austro-prussienne, voulut nous déloger de notre position. Le général Wurmser nous attaque de front, le prince de Waldeck nous prend à revers… et Brunswick, débouchant par la vallée des Vosges, tourne notre gauche… L’affaire a été sanglante : le corps d’émigrés, commandé par Condé, s’est battu avec acharnement, la légion de Mirabeau surtout… Les ci-devant ne nous faisaient pas quartier, en retour de quoi nous les passions au fil de la baïonnette… Aussi la victoire leur coûta cher. Je me trouvais au retranchement de Bergzabern, qu’ils attaquaient. Ils ont tué environ deux mille des nôtres ; mais ils ont eux-mêmes évalué ce jour-là leurs pertes à près de cinq mille hommes.

— Cinq mille hommes ! — dit Duresnel en frémissant, — quel carnage !

— Que veux-tu, camarade, on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, — reprend gaiement le capitaine Martin ; — mais, malgré notre fricassée de ci-devant, nous sommes forcés d’abandonner les lignes qui défendaient Wissembourg. Nos communications avec Landau sont coupées, l’ennemi établit le blocus de cette place, enfin nous avions perdu tout le terrain, que nous regagnons de jour en jour depuis le mois de brumaire, époque à laquelle le général HOCHE a pris le commandement de l’armée de la Moselle.

— Capitaine, — dit Duresnel, — est-il vrai que le général Hoche soit le fils d’un ancien serviteur de Capet ?

— Le père de Lazare Hoche était d’une condition encore au-dessous de celle-là, camarade Duresnel.