Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/367

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d’officier, me jugeras-tu enfin digne de toi, Victoria !! Alors je goûterai les divins enivrements de la gloire et de l’amour… Oh ! bonheur ! mériter le gage suprême de ta tendresse ou mourir à tes yeux en te donnant ma dernière pensée !

— Ta dernière pensée doit appartenir à la patrie… à la république ! — répond Victoria d’un ton grave où perce un léger accent de reproche ; — et puisses-tu te préserver toujours de ce que tu appelles « les divins enivrements de la gloire. »

— Quoi !… la gloire des armes n’est-elle pas de toutes la plus sublime ?

— Olivier !… la gloire des armes est sublime lorsqu’on l’a conquise et qu’on la consacre uniquement à la défense de la patrie !! Mais cette gloire-là n’enivre pas… elle est sainte… elle vous donne la satisfaction calme et rigide que laisse après soi l’accomplissement d’un devoir sacré… Oh ! malheur, malheur à ceux-là qui, aimant seulement les armes pour les armes, la gloire pour la gloire, subissent son enivrement… Ivresse funeste, comme toute ivresse ! Leur raison se trouble, leur âme se détrempe, leur civisme s’énerve… Ils sont bien près de sacrifier le droit, la liberté, la dignité à cette gloire dont le trompeur éclat cache souvent tant d’âpres ambitions, tant de misérable orgueil, tant de servilisme abject ! tant d’appétits honteux, tant de vanités égoïstes et puériles, et surtout l’impatience du joug austère des devoirs civiques et la haine de l’égalité…

— Ce langage me surprend, Victoria ; ton accent me semble aujourd’hui rude et sévère ? — reprit tristement Olivier, naguère si radieux ; — ai-je donc mérité quelque reproche ?

— Oui.

— Comment cela ?

— Ce soir, lorsque Saint-Just et Lebas sont revenus ici pour tenir conseil avec les généraux sur la bataille de demain, je t’observais… J’ai remarqué ta répugnance à te lever sur leur passage et à leur faire, selon l’usage, le salut militaire… Est-ce vrai ?