Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/43

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Jean Lebrenn était au nombre des officiers municipaux chargés de conduire Louis XVI à la barre de la Convention. Il se fit remplacer au point du jour par l’un de ses collègues, et vers les neuf heures il revint auprès du prisonnier du Temple, accompagné du citoyen Colombeau, secrétaire-greffier de la commune, chargé de prévenir Louis Capet de la prochaine arrivée de Chambon, maire de Paris.

Lorsque Colombeau et Jean Lebrenn entrèrent dans la chambre de Louis XVI, il jouait au siam avec le dauphin. L’enfant frappait en ce moment du pied, s’écriant dans sa mutine impatience :

« — Je ne veux plus jouer : voilà trois fois que j’arrive à seize points sans pouvoir gagner la partie ! Ce nombre SEIZE est vraiment bien malheureux [1] !

» — Ce n’est pas d’aujourd’hui que je le sais… — répond Louis XVI d’un ton mélancolique. Au moment où Colombeau et Jean Lebrenn parurent au seuil de la porte, le bruit lointain des tambours battant le rappel arriva jusqu’aux oreilles de Louis Capet, il parut surpris, et s’adressant à Colombeau :

» — Quel est ce bruit de tambours, on ne le bat pas ordinairement de si bonne heure ?

» — Je l’ignore, monsieur.

» — Est-ce que ce n’est pas la générale ?

» — Je ne sais, monsieur, — répond le greffier à Louis XVI, qui, s’asseyant, tenant le dauphin entre ses genoux, et prêtant de nouveau l’oreille du côté de la cour :

» — Il me semble que j’entends le trépignement des chevaux ?

» — En effet, monsieur, — répond Colombeau, — je vous préviens que dans un instant vous recevrez la visite du maire de Paris.

» — Tant mieux ! 


  1. Tout cet entretien marqué de guillemets est textuel, ainsi que l’interrogatoire de Louis XVI à la barre de la Convention. Voir : Procès-verbaux de la commune de Paris. — Moniteur du 10 décembre 1792. — Ap. Hist. parlem. de la Révol., vol. XXI, p. 280 et suivantes.