Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/69

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lampe, tenait, pensive, entre ses mains la lettre écrite la veille au jeune artisan par l’avocat Desmarais, et une lettre ainsi conçue, adressée durant la journée par Charlotte à son fiancé :

« Mon père consent à notre mariage, à notre bonheur, au prix d’une seule condition qu’il vous a fait connaître, mon cher Jean. Cette condition, bizarre sans doute, et dont j’ai peut-être deviné le motif (je vous le ferai connaître plus tard, si mes soupçons ne m’ont pas trompée), cette condition me semble de tout point acceptable. Vous savez combien je suis jalouse de votre honneur, vous savez combien je vous ai toujours encouragé à marcher dans l’inflexible voie du devoir, et en cette circonstance qui peut combler nos vœux, une bien chère espérance n’a pas influencé mon jugement ; je ne me pardonnerais jamais, même lorsqu’il s’agit, ou plutôt par cela même qu’il s’agit de notre félicité à venir, de vous avoir donné un conseil dont vous ou moi nous aurions à rougir. Vous pouvez donc, mon ami, et cela, je le crois en mon âme et conscience, accepter la condition mise par mon père à notre union.

» Quelle que soit d’ailleurs votre décision, fût-elle contraire à mon avis, à mon espoir, elle sera toujours religieusement acceptée par moi, mon ami ; notre affection, ainsi que l’a déjà prouvé le passé, est de celles qui bravent les événements, les obstacles et le temps ; car les obstacles, les jours, les années, loin de l’affaiblir, l’enracinent plus profondément encore dans notre cœur ; ainsi, quoi que vous décidiez, je suis et serai toujours

» Votre Charlotte.

» Mon père compte vous voir ce soir sans retard à votre retour du Temple ; venez le plus tôt possible, si vous acceptez la condition. »

Victoria Lebrenn, après l’attentive lecture de ces deux lettres que son frère venait de lui remettre, restait pensive et silencieuse depuis quelques instants.

— Sœur, dit Jean Lebrenn, — es-tu plus pénétrante que moi ?