Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/77

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la prétendue marquise Aldini. Son regard noir étincelle ; la laine, la menace, donnent à son pâle visage une expression si effrayante, que M. de Plouernel frissonne d’épouvante et se dit :

— Je suis perdu… L’abbé Morlet m’avait bien dit que la demeure de ces Lebrenn était voisine de mon refuge… Fuyons…

Et il s’élance vers la porte, afin de l’ouvrir et de gagner l’escalier ; mais la porte est fermée, en vain il l’ébranle violemment.

— Oh ! comte, prenez garde, — dit froidement Victoria avec un accent de raillerie sinistre, — cette maison est habitée par de bons patriotes, le bruit que vous faites à cette porte pourrait les attirer ici.

— Infâme créature ! — s’écrie M. de Plouernel, blême de rage et de terreur, cessant d’ébranler la porte ; puis, se rapprochant vivement de Victoria, il tire de sa gaine un poignard qu’il porte caché sous ses vêtements ; — tu veux me livrer à l’échafaud, mais avant de mourir, je me vengerai !

— Peut-être, — répond la jeune femme en braquant d’une main virile son pistolet à double coup sur la poitrine du comte ; il recule, atterré, ne s’attendant pas à trouver Victoria si bien armée. Celle-ci, tenant toujours M. de Plouernel ajusté, se rapproche de l’une des cloisons, y frappe du poing, et élevant très-haut la voix :

— Voisin Jérôme, êtes-vous chez vous ?

— Oui, citoyenne, — répond Jérôme à travers la cloison, — nous sommes là, mon fils et moi, à votre service ; nous venons de rentrer. Est-ce que vous avez besoin de quelque chose ?

— Ma montre est arrêtée, savez-vous quelle heure il est, voisin ?

— Dix heures viennent de sonner à l’ex-paroisse de l’Assomption.

— Merci, voisin Jérôme, bonsoir.

— Bonsoir, citoyenne.

Pendant ce dialogue, M. de Plouernel demeure consterné ; il ne peut songer à fuir par la fenêtre : un mouvement de Victoria le précipiterait de la toiture dans la rue. Briser la porte serait non moins dangereux : les deux voisins de la mansarde, et bientôt tous les habitants