Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/130

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— Mais désormais je ne serai point si sot que de me crever à votre service…

— Et je n’ai pas là un bâton ! — reprit Diavole en regardant autour de lui, stupéfait du redoublement d’effronterie de son esclave. — Comment, pendard ! c’est pour mon service que tu vas courtiser une de tes pareilles à une lieue d’ici ?…

— C’est pour moi, peut-être ?

— Quel impudent coquin !…Ainsi, c’est pour moi que…

— Tous les maîtres sont des ingrats, vous dis-je !…

— Décidément, ce misérable fait-il le fou pour échapper au châtiment qu’il mérite ?

— Fou ? moi !… jamais je n’ai eu plus de raison… Écoutez, seigneur : que m’avez vous dit hier matin ?

— Hier matin ?…

— Oui, seigneur… Ne m’avez-vous pas dit : « Ah ! mon cher Sylvest ! » Car, lorsque vous avez besoin de moi, je suis votre cher Sylvest.

— Par Jupiter ! est-ce assez d’insolence ? Y aura-t-il jamais assez de verges à te casser sur les épaules ?… (H)

— « Ah ! mon cher Sylvest ! » me disiez-vous, seigneur, « nuit et jour je pense à l’admirable beauté de cette courtisane que l’on appelle la belle Gauloise, tout nouvellement arrivée d’Italie à Orange. Je ne l’ai vue qu’une fois au cirque, au dernier combat des gladiateurs, et j’en raffole… Mais il faudrait un pont d’or pour arriver jusqu’à elle… et mon bourreau de père ! mon ladre, mon avaricieux, mon grippe-sou de père, ne veut pas mourir, le traître !.. » Pardonnez-moi, mon maître, de parler ainsi du seigneur Claude ; mais ce sont vos propres paroles que je répète…

— Comment, impudent hâbleur ! tu veux me persuader que ta course de cette nuit, employée à aller courtiser une esclave de Faustine, a le moindre rapport avec mon amour pour la belle Gauloise ?

— Certes…