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LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

pauvre pays ? Ah ! c’est un grand changement pour vous qui arrivez de la Gaule romaine… Quel long voyage vous avez fait là !

— J’aime à voir des pays nouveaux, — répondit Grémion, — et j’aurai souvent occasion de parcourir celui-ci pour surveiller les péagers du fisc.

— Malheureusement pour le seigneur Grémion, — reprit le banquier Jonas, — il arrive en Judée dans un triste et mauvais temps.

— Pourquoi cela, seigneur ? — demanda Grémion.

— N’est-ce pas toujours un mauvais temps qu’un temps de troubles civils ? — répondit le banquier.

— Sans doute, seigneur Jonas ; mais de quels troubles s’agit-il ?

— Mon ami Jonas, — reprit Baruch, le docteur de la loi, — veut vous parler des déplorables désordres que ce vagabond de Nazareth traîne partout après lui, et qui augmentent chaque jour.

— Ah ! oui, — dit Grémion, — cet ancien ouvrier charpentier de Galilée, né dans une étable et fils d’un fabricant de charrues ?… Il court, dit-on, le pays… Vous le nommez ?…

— Si on lui donnait le nom qu’il mérite… — s’écria le docteur de la loi d’un air courroucé, — on l’appellerait le scélérat… l’impie… le séditieux… mais il porte le nom de Jésus.

— Bon !… un bavard, — dit Ponce-Pilate en haussant les épaules après avoir vidé sa coupe, — un fou, qui parle à des oisons… rien de plus…

— Seigneur Ponce Pilate, — s’écria le docteur de la loi d’un ton de reproche, — je ne vous comprends pas ! Comment, vous qui représentez ici l’auguste empereur Tibère, notre protecteur, à nous, pacifiques et honnêtes gens, car, sans vos troupes, il y a longtemps que la populace se serait soulevée contre Hérode, notre prince, vous vous montrez insouciant des faits et gestes de ce Nazaréen… vous le traitez de fou… Ah ! seigneur Ponce-Pilate… seigneur Ponce-Pilate… ce n’est pas d’aujourd’hui que je vous le dis : les fous comme celui-là sont des pestes publiques !…