Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/155

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– Presque aussitôt après le départ de Tétrik la sourde hostilité contre votre fils s’est déclarée et a toujours été croissante !…

Victoria me regarda en silence, comme si elle n’avait pas d’abord compris mes paroles ; puis, une idée subite lui venant à l’esprit, elle s’écria d’un ton de reproche :

– Quoi ! tu soupçonnerais Tétrik… mon parent, mon meilleur ami ! lui, le plus sage des hommes ! lui, l’un des meilleurs esprits de ce temps, lui qui, jusque dans les distractions qu’il cherche dans les lettres, se montre grand poëte ! (B) lui, l’un des plus utiles défenseurs de la Gaule, bien qu’il ne soit pas homme de guerre ; lui qui, dans son gouvernement de Gascogne, répare, à force de soins, les maux de la guerre civile, autrefois soulevée pour reconquérir notre indépendance… Ah ! frère ! frère ! j’attendais mieux de ton loyal cœur et de ta raison.

– Je soupçonne cet homme…

– Mais tu es insensé ! le soupçonner, lui qui, père d’un fils que lui a laissé une femme toujours regrettée, puise dans ses habitudes de paternelle indulgence une excuse aux vices de Victorin… Ne l’aime-t-il pas ? ne le défend-il pas aussi chaleureusement que tu le défends toi-même ?…

– Je soupçonne cet homme.

– Oh ! tête de fer ! caractère inflexible !… Pourquoi soupçonnes-tu Tétrik ? de quel droit ? qu’a-t-il fait ? par Hésus ! si tu n’étais mon frère… si je ne connaissais ton cœur… je te croirais jaloux de l’amitié que j’ai pour mon parent !

À peine Victoria eut-elle prononcé ces paroles, qu’elle les regretta et me dit :

– Oublie ces paroles…

– Elles me seraient pénibles, ma sœur, si le doute injuste qu’elles expriment vous aveuglait sur la vérité que je dis.

À ce moment, la servante entra et demanda si Tétrik pouvait être introduit.