Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/19

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et d’indignation à la vue de ces hommes abandonnant si misérablement le jeune maître ; elle comprit pourquoi les docteurs de la loi et les princes des prêtres, au lieu de le faire arrêter en plein jour, le faisaient arrêter durant la nuit : ils craignaient les colères du peuple et des gens résolus comme Banaïas ; ceux-là n’auraient pas laissé enlever sans résistance l’ami des pauvres et des affligés.

Les miliciens quittèrent le bois des oliviers, emmenant au milieu d’eux leur prisonnier ; ils se dirigeaient vers la ville. Au bout de quelque temps, Geneviève s’aperçut qu’un homme, dont elle ne pouvait distinguer les traits dans les ténèbres, marchait derrière elle, et plusieurs fois elle entendit cet homme soupirer en sanglotant.

Après être rentrés dans Jérusalem à travers les rues désertes silencieuses, comme elles le sont à cette heure de la nuit, les soldats se rendirent à la maison du prince des prêtres, où ils conduisirent Jésus. L’esclave, remarquant à la porte de Caïphe un grand nombre de serviteurs, se glissa parmi eux lors de l’entrée des soldats, et resta d’abord sous le vestibule, éclairé par des flambeaux. À cette lueur, elle reconnut l’homme qui, comme elle, avait, depuis le bois des oliviers, suivi l’ami des opprimés : c’était Pierre, un de ses disciples. Il semblait aussi chagrin qu’effrayé, les larmes inondaient son visage ; Geneviève crut d’abord que cet homme serait du moins fidèle à Jésus, et qu’il témoignerait de son dévouement en accompagnant le jeune maître devant le tribunal de Caïphe. Hélas ! l’esclave se trompait. À peine Pierre eut-il dépassé le seuil de la porte, qu’au lieu d’aller rejoindre le fils de Marie, il s’assit sur l’un des bancs du vestibule, au milieu des serviteurs de Caïphe[1], cachant sa figure entre ses mains.

Geneviève, apercevant alors au fond de la cour une vive lumière s’échapper d’une porte au dehors de laquelle se pressaient les soldats de l’escorte, se rapprocha d’eux. Cette porte était celle d’une vaste

  1. Évangile selon saint Matthieu, ch. XXXVI, v. 58.