Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/307

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Gaules… Victoria morte, il reconnut l’impuissance de ses projets ; bientôt même il sentit que, n’étant plus soutenu par la sagesse et par la souveraine influence de cette femme auguste, il s’amoindrissait dans l’affection du peuple et de l’armée. Perdant chaque jour son ancien prestige, prévoyant sa prochaine déchéance, il songea dès lors à accomplir l’une des deux trahisons dont je l’avais toujours soupçonné. Il travailla, dans l’ombre, à replacer la Gaule, alors complètement indépendante, sous le pouvoir des empereurs de Rome. Longtemps à l’avance, et par mille moyens ténébreux, il sema des germes de discordes civiles dans le pays ; en le divisant, il l’affaiblit ; il sut réveiller les anciennes jalousies de province à province depuis longtemps apaisées ; il suscita, par des préférences et des injustices calculées, d’ardentes rivalités entre les généraux et les différents corps de l’armée ; puis, l’heure de la trahison sonnée, il écrivit secrètement à Aurélien, empereur romain :

« Le moment d’attaquer la Gaule est arrivé ; vous aurez facilement raison d’un peuple affaibli par les divisions, et d’une armée dont les divers corps se jalousent… Je vous ferai connaître d’avance la disposition des troupes gauloises et de tous les mouvements qu’elles doivent faire, afin d’assurer votre triomphe (K). »

Les deux armées se rencontrèrent sur les bords de la Marne, dans la vaste plaine de Châlons (L). Au plus fort de l’action, Tétrik, selon sa promesse, se portant en avant avec le principal corps d’armée, se fit couper et envelopper par les Romains, tandis que les légions du Rhin combattaient avec leur valeur accoutumée ; mais, prévenues dans leurs manœuvres, écrasées par le nombre, elles furent anéanties… Tétrik et son fils se réfugièrent dans le camp ennemi. Notre armée détruite, notre pays divisé, ainsi qu’aux plus tristes jours de notre histoire, rendirent aux Romains la victoire facile… La Gaule, complètement libre depuis tant d’années, redevint une province romaine. L’empereur Aurélien, comme autrefois César, pour glorifier ce grand événement, fit une entrée solennelle au Capitole… Tous les captifs,