Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/325

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— Oui, mon père.

— Sais-tu à quoi je suis là songeant ?

— À quoi donc, grand-père ?

— À quoi ? dis-tu, mon Karadeuk, mon adroit archer ? Je songeais que par un pareil jour de tempête, le bon Joel et son fils, avides de récits, comme de curieux Gaulois qu’ils étaient…

— Ont fait ce bon tour d’arrêter un voyageur dans la cavée du Chraig’h (j’y suis encore passé ce matin, dit Kervan) ; puis ils ont garrotté cet étranger, et l’ont amené à la maison pour l’entendre raconter…

— Et ce voyageur, c’était le chef des cent vallées… un martyr ! un héros !…

— Oh ! oh ! comme tes yeux brillent en parlant ainsi, Karadeuk, mon favori…

— S’ils brillent, grand-père, c’est qu’ils sont humides… Quand j’entends parler du chef des cent vallées, les larmes me viennent aux yeux…

— Qu’est-ce que cela, mon père ? Voyez donc, votre vieil Erer gronde entre ses dents et dresse les oreilles.

— Grand-père, entendez-vous aboyer les chiens de garde ?

— Il faut qu’il se passe quelque chose au dehors de la maison…

— Hélas si les dieux veulent punir mon fils de son désir audacieux, leur colère ne se fait pas attendre… Karadeuk, venez, venez près de moi…

— Quoi ! Madalèn… te voici pleurant et embrassant ton fils, comme si quelque malheur le menaçait… Allons, chère femme, plus de raison.

— N’entends-tu pas les aboiements redoublés des chiens au dehors ? Tiens, voici Erer qui court en grondant vers la porte… Je vous dis qu’il se passe quelque chose de sinistre autour de la maison…

— Ne crains rien, mère, c’est un loup qui rôde… À moi mon arc !

— Karadeuk, ne bougez pas… Non, moi, votre mère, je vous le défends…