Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/33

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Le seigneur Ponce-Pilate, choqué à son tour de l’aigreur du docteur Baruch, reprit impatiemment et en étouffant un nouveau bâillement :

« — Eh bien ! puisque vous dites qu’il a péché contre la loi, prenez-le et jugez-le selon votre loi[1]. »

Et le gouverneur tourna le dos au docteur Baruch en haussant les épaules, et rentra dans sa maison.

Un moment Geneviève crut le jeune homme de Nazareth sauvé, car la réponse de Ponce-Pilate souleva de nombreux murmures dans la foule.

— Voilà bien les Romains, — disaient les uns, — ils ne cherchent qu’à entretenir l’agitation dans notre pauvre pays pour le dominer plus sûrement.

— Ce Ponce-Pilate semble évidemment protéger ce maudit Nazaréen !…

— Moi, je suis certain que ce Nazaréen est un secret affidé des Romains, — ajouta l’un des émissaires, — ils se servent de ce misérable séditieux pour de ténébreux projets.

— Il n’y a pas à en douter, — reprit l’autre émissaire, — le Nazaréen est vendu aux Romains.

À ce dernier outrage, qui sembla pénible à Jésus, Geneviève le vit lever de nouveau les yeux au ciel d’un air navré, tandis que la foule répétait :

— Oui, oui, c’est un traître !…

— C’est un agent des Romains !…

— À mort le traître ! à mort !…

Le docteur Baruch n’avait pas voulu lâcher sa proie ; lui et plusieurs princes des prêtres, voyant Ponce-Pilate rentrer dans sa maison, coururent après lui, et l’ayant supplié de revenir, ils le ramenèrent dehors aux grands applaudissements de la foule.

  1. Évangile selon saint Jean, ch. XVIII, v. 31