Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/36

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— Oui, oui ! car il faudra bien qu’il le condamne… nous l’y forcerons…

— Ah ! voici le bourreau ! — crièrent plusieurs voix ; — voici le bourreau et son aide…

Geneviève reconnut les deux mêmes hommes qui, trois jours auparavant, l’avaient battue à coups de fouet chez son maître ; elle ne put retenir ses larmes à cette pensée, que ce jeune homme, qui n’était qu’amour et miséricorde, allait subir l’ignominieux châtiment réservé aux esclaves.

Les deux bourreaux portaient sous leur bras un paquet de baguettes de coudrier, longues, flexibles et grosses comme le pouce. Chacun des exécuteurs en prit une, et, à un signe de Caïphe, les coups commencèrent à pleuvoir, violents et rapides, sur les épaules du jeune maître de Nazareth… Lorsqu’une baguette était brisée, les bourreaux en prenaient une autre.

D’abord Geneviève détourna la vue de ce cruel spectacle, mais elle fut forcée d’entendre les railleries féroces de la foule, qui devaient paraître au fils de Marie un supplice plus affreux que le supplice même.

— Toi qui disais : Aimez-vous les uns les autres, Nazaréen maudit ! — criaient les uns, — vois comme l’on t’aime !…

— Toi qui disais : Partagez votre pain et votre manteau avec qui n’a ni pain ni manteau, ces honnêtes bourreaux suivent tes préceptes, ils partagent fraternellement leurs baguettes pour les briser sur ton échine…

— Toi qui disais : Qu’il était plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer au Paradis, ne trouves-tu pas qu’il te serait plus facile de passer par le trou d’une aiguille que d’échapper aux baguettes dont on caresse ton dos ?

— Toi qui glorifiais les vagabonds, les voleurs, les courtisanes, et autres gibiers de houssines, tu les aimais sans doute, ces scélérats, parce que tu savais devoir être un jour fouetté comme eux, ô grand prophète !…