Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeta sur les épaules sa tunique de laine. Le contact de cette rude étoffe sur sa chair vive causa sans doute une nouvelle et si cruelle douleur à Jésus, qu’il tressaillit de tous ses membres. L’excès même de la souffrance le fit revenir à lui ; il releva la tête, tâcha de se raffermir assez sur ses jambes pour n’avoir plus besoin du soutien des bourreaux, ouvrit les yeux et jeta sur la foule un regard miséricordieux…

Ponce-Pilate, croyant avoir satisfait à la haine des pharisiens, dit à la foule, après avoir fait délier Jésus :

« — Voilà l’homme[1]… »

Et il fit signe à ses officiers de rentrer dans sa maison ; il se disposait à les suivre, lorsque le prince des prêtres, Caïphe, après s’être consulté à voix basse avec le docteur Baruch et le banquier Jonas, s’écria en arrêtant le gouverneur par sa robe, au moment où il rentrait chez lui :

« — Seigneur Pilate, si vous délivrez Jésus, vous n’êtes pas ami de l’empereur ; car le Nazaréen s’est dit roi, et quiconque se dit roi se déclare contre l’empereur[2]. »

— Ponce-Pilate va craindre de passer pour traître à son maître, l’empereur Tibère, — dit à son complice l’un des émissaires placés non loin de Geneviève. — Il sera forcé de livrer le Nazaréen.

Puis ce méchant homme s’écria d’une voix éclatante :

— Mort au Nazaréen ! l’ennemi de l’empereur Tibère, le protecteur de la Judée !…

— Oui, oui ! — reprirent plusieurs voix, — le Nazaréen s’est dit roi des Juifs !

— Il veut renverser la domination de l’empereur Tibère !

— Il veut se déclarer roi en soulevant la populace contre les Romains, nos amis et alliés.

— Réponds à cela, Ponce-Pilate ! — cria du milieu de la foule

  1. Évangile selon saint Jean, ch. XIX, v. 5.
  2. Évangile selon saint Jean, ch. XIX, v. 12.