Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/54

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riche et très-populeuse ; aussi, à mesure que l’escorte pénétrait dans le quartier des pauvres gens, Jésus recevait du moins quelques marques d’intérêt de leur part.

Geneviève vit grand nombre de femmes, debout au seuil de leur porte, gémir sur le sort du jeune maître de Nazareth ; elles se ressouvenaient qu’il était l’ami des pauvres mères et des enfants ; aussi, beaucoup de ces innocents envoyèrent en pleurant des baisers à ce bon Jésus, dont ils savaient par cœur les simples et touchantes paraboles.

Mais, hélas ! presque à chaque pas, vaincu par la douleur, écrasé sous le poids qu’il portait, le fils de Marie s’arrêtait en trébuchant… enfin, les forces lui manquant tout à fait, il tomba sur les genoux, puis sur les mains, et son front heurta la terre.

Geneviève le crut mort ou expirant ; elle ne put retenir un cri de douleur et d’effroi ; mais il n’était pas mort… Son martyre et son agonie devaient se prolonger encore ; les soldats romains qui le suivaient, ainsi que les pharisiens, lui crièrent :

— Debout ! debout, fainéant ! tu feins de tomber pour ne pas porter ta croix jusqu’au bout !…

— Toi qui reprochais aux princes des prêtres de lier sur le dos de l’homme des fardeaux insupportables auxquels ils ne touchaient pas du bout du doigt, — dit le docteur Baruch, — voici que tu fais comme eux en refusant de porter ta croix ! 


Jésus, toujours agenouillé, et le front penché vers la terre, s’aida de ses deux mains pour tâcher de se relever, ce qu’il fit à grand’peine ; puis, encore tout chancelant, il attendit qu’on lui eût placé la croix sur les épaules ; mais à peine fut-il de nouveau chargé de ce fardeau, que, malgré son courage et sa bonne volonté, il ploya et tomba une seconde fois comme écrasé sous ce poids.

— Allons, — dit brutalement l’officier romain, — il est fourbu !

— Seigneur Baruch, — s’écria un des émissaires, qui n’avait, non plus que les pharisiens, quitté la victime, — voyez-vous cet homme