Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/58

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— Oh ! les hommes impitoyables ! — pensa l’esclave. — Ils trouvent moyen d’outrager Jésus jusque dans sa mort.

Lorsque les soldats romains qui escortaient le jeune maître arrivèrent, suivis de la foule de plus en plus silencieuse et attristée, au sommet du Calvaire, ainsi que le docteur Baruch, le banquier Jonas et le grand-prêtre Caïphe, tous trois jaloux d’assister à l’agonie et à la mort de leur victime, Geneviève aperçut les deux voleurs destinés au supplice, garrottés et entourés de gardes ; ils étaient livides, et attendaient leur sort avec une terreur mêlée de rage impuissante.

À un signe de l’officier romain, chef de l’escorte, les bourreaux ôtèrent les deux croix des trous où elles avaient été d’abord placées et dressées, les couchèrent par terre ; puis, se saisissant des condamnés, malgré leurs cris, leurs blasphèmes et leur résistance désespérée, ils les dépouillèrent de leurs vêtements et les étendirent sur les croix ; puis, tandis que des soldats les y maintenaient, les bourreaux, armés de longs clous et de lourds marteaux, clouaient sur la croix, par les pieds et par les mains, ces malheureux qui poussaient des hurlements de douleur. Par ce raffinement de barbarie on rendait le jeune maître de Nazareth témoin du sort qu’il allait bientôt subir lui-même ; aussi, à la vue des souffrances de ces deux compagnons de supplice, Jésus ne put retenir ses larmes ; puis il cacha son visage entre ses mains, pour échapper à cette pénible vision.

Les deux voleurs crucifiés, on redressa leurs croix, sur lesquelles ils se tordaient en gémissant, elles furent enfoncées en terre et affermies au moyen de pierres et de pieux.

— Allons, Nazaréen, — dit l’un des bourreaux à Jésus en s’approchant de lui, tenant d’une main son lourd marteau, de l’autre plusieurs grands clous, — allons, es-tu prêt ? Va-t-il falloir user de violence envers toi comme envers tes deux compagnons ?

— De quoi se plaignent-ils ? — répondit l’autre bourreau ; — l’on est pourtant si à l’aise sur une croix… les bras étendus, comme un homme qui se détire après un long sommeil !…