Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/135

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— Au diable Adelinde ! — crièrent ces méchantes gens. — À la mare, le bestial !

— Oui, à la mare, le bestial ! et Marceline aussi !

Au plus fort de ce tumulte, une des croisées du château s’ouvrit ; et un jeune homme de vingt ans au plus, se penchant sur l’appui de cette croisée, s’écria d’une voix irritée : — Je vais vous faire rougir l’échine à coups de lanière, maudits chiens hurleurs !

— Le roi ! — murmurèrent les tourmenteurs d’Yvon et en un instant ils s’enfuirent par la porte de la cour. — Sauvons-nous ! c’est le roi !

— Hé ! la fille ! — dit Ludwig-le-Fainéant à Marceline, qui, très-heureuse de voir l’idiot sauvé des mauvais traitements, reprenait sa cruche remplie d’eau. — Hé ! la fille ! quelle était la cause du tapage infernal de ces criards ?

— Seigneur roi, — répondit en tremblant Marceline-aux-cheveux-d’or, — on voulait maltraiter le pauvre Yvon.

— Est-ce qu’il est là, ce bestial ?

— Seigneur roi, je ne sais où il s’est allé cacher, — reprit la serve, craignant de voir l’idiot, à peine échappé à ses persécuteurs, servir de jouet aux caprices de Ludwig. Celui-ci s’étant retiré de la fenêtre, Marceline se hâta de remonter l’escalier de la tourelle. À peine eut-elle gravi une douzaine de marches, qu’elle vit Yvon accroupi sur l’un des degrés, ses coudes sur ses genoux, son menton dans ses mains ; à l’aspect de la jeune fille, il secoua la tête en disant d’une voix émue : — Bonne ! toi !... oh ! bonne !... — Et il attacha sur la jeune fille des yeux si reconnaissants qu’elle reprit en soupirant : — Qui croirait pourtant que ce malheureux, au regard parfois si doux, soit privé de raison ? — Déposant alors sa cruche à ses pieds, elle ajouta : — Yvon, pourquoi es-tu allé ce matin dans la forêt ? tes cheveux et tes haillons sont trempés de rosée. Est-il vrai que tu vas tendre des lacets pour prendre du gibier ? — L’idiot répondit par une espèce de rire hébété en balançant sa tête en avant et en arrière. — Yvon,