Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/151

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de Ludwig-le-Fainéant, aussi demander une grâce en un pareil moment, c’est l’avoir pour assurée.

— Quelle grâce ?

— Si tu consens à m’épouser, Marceline, il faut obtenir d’Adelinde la permission de me prendre pour mari, et la promesse de me donner à garder, comme serf forestier, le canton de la Fontaine-aux-Biches : deux mots de ta maîtresse à la reine, deux mots de la reine au baillif du domaine, et notre désir sera satisfait.

— Yvon, y songes-tu ? tout le monde te croit un idiot, et l’on te confierait la garde d’un canton de la forêt !

— Qu’on me donne un arc, des flèches, et je ferai mes preuves de fin archer ; j’ai le coup d’œil aussi sûr, la main aussi prompte que mon pauvre père.

— Mais, comment expliquer ce changement soudain qui a fait de toi un homme raisonnable ? Et puis, si tu avais ton bon sens, te dira-t-on, pourquoi as-tu feint d’être idiot ?

— Lorsque nous serons mariés, je te dirai la cause de cette feinte ; quant à ma transformation de bestial en créature raisonnable... un miracle expliquera tout.

— Un miracle ?

— L’idée de ce miracle m’est venue ce matin en suivant ta maîtresse et la reine à l’ermitage de Saint-Eusèbe.

— Tu les as suivies ?

— Je ne dors guère ; ce matin, éveillé avant l’aube, j’étais près des fossés du château. À peine le soleil levé, je vois de loin ta maîtresse et la reine sortir, puis se diriger toutes deux seules vers la forêt. Cette promenade mystérieuse éveille ma curiosité ; je les suis de loin à travers les taillis ; elles arrivent à l’ermitage de Saint-Eusèbe, ta maîtresse y reste, mais la reine prend le chemin de la Fontaine-aux-Biches.

— Et qu’allait-elle faire là, de si bon matin, Yvon ?

— Encore une question à laquelle je répondrai lorsque nous se-