Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/165

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les biens dont ils les avaient doués en retour de l’assurance d’un prochain et délicieux paradis. Oui, mais les hommes de Dieu, formidablement armés et retranchés dans les châteaux-forts qu’il devaient à la crédulité des dépossédés, se défendant avec fureur, d’incessantes guerres civiles entre les évêques ou abbés larrons, et les seigneurs dépouillés de leurs domaines, ensanglantèrent de nouveau la Gaule. À ces désastres se joignirent les massacres religieux ; l’Église avait jadis convié Clovis à l’extermination des hérétiques Ariens, l’Église prêcha de nouveau l’extermination contre les Manichéens d’Orléans et les juifs. À ce propos, je me souviens qu’un jour, allant porter du gibier au chapelain du château de Compiègne, j’ai vu et lu, en attendant ce saint homme dans son réfectoire, la copie d’un manuscrit écrit par un certain moine nommé Raoul Glaber, manuscrit où se trouvaient ces passages, que j’ai pu transcrire, ayant trouvé près de moi ce qu’il fallait pour écrire :

« Peu de temps après la destruction du temple de Jérusalem (en l’année 1010) on sut, à n’en pouvoir douter, qu’il fallait imputer cette calamité à la méchanceté des juifs de tous les pays, et quand le secret fut divulgué dans l’univers, les chrétiens décidèrent d’un commun accord qu’ils expulseraient de leur territoire et de leurs villes tous les juifs jusqu’au dernier ; ils devinrent donc l’objet de l’exécration universelle : les uns furent chassés des villes, d’autres massacrés par le fer, précipités dans les flots, ou livrés à des supplices divers ; d’autres se dévouèrent eux-mêmes à une mort volontaire ; de sorte qu’après la juste vengeance exercée contre eux, on en comptait encore à peine quelques-uns dans le monde catholique romain (A). »

Ainsi voilà les malheureux juifs des Gaules persécutés, massacrés à la voix des prêtres catholiques, parce que les Sarrazins de Judée ont détruit le temple de Jérusalem ! Quant aux Manichéens d’Orléans, un passage de cette même chronique s’exprimait ainsi à leur sujet :

« ….. En 1017, le roi et tous les assistants voyant la folie de ces