Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/166

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misérables (hérétiques d’Orléans), firent allumer, non loin de la ville, un grand bûcher, espérant qu’à cette vue la crainte triompherait de leur endurcissement ; mais comme ils persistèrent, on en jeta treize dans le feu... Tous ceux que l’on put convaincre ensuite de partager leur perversité, subirent la même peine, et le culte vénérable de la foi catholique, après ce nouveau triomphe sur la folle présomption de ses ennemis, n’en brilla qu’avec plus d’éclat sur la terre (B). »

Et ce sont là les moindres crimes de l’Église catholique ! Aussi insatiable d’or que de sang, elle a continué de désoler la Gaule jusqu’à cette funeste année 1033, où devait arriver, disait-on cette fois, la véritable fin du monde. Cette créance au jour prochain du jugement dernier, entretenue par les prêtres, sans être aussi universelle qu’en l’an 1000, n’en eut pas moins d’horribles résultats. En 999, l’attente de la fin du monde, arrêtant la culture des terres (sauf celles du clergé, qui, sachant le vrai des choses, força ses serfs de continuer à travailler), amena la famine affreuse de l’an 1000 ; famine suivie d’une incroyable mortalité. Les bras manquant à l’agriculture, chaque disette engendrait une mortalité nouvelle, la Gaule se dépeupla rapidement, la famine devint presque permanente pendant plus de trente années, les plus désastreuses furent celles de 1000, 1001, 1003, 1008, 1010, 1011, 1027, 1029, 1031, enfin la famine de 1033 dépassa toutes les autres en atrocités. Les serfs, les vilains, la plèbe des cités, furent presque seuls victimes du fléau ; le peu qu’ils produisaient suffisait à l’existence de leurs maîtres et seigneurs, comtes, ducs, évêques ou abbés ; mais le peuple souffrait ou expirait dans les tortures de la faim. Les cadavres des malheureux morts d’inanition se rencontraient à chaque pas ; ces corps putréfiés viciaient l’air, engendraient des pestes, et des maladies, jusqu’alors inconnues, décimèrent les populations échappées aux horreurs de la famine ; en trente ans, la Gaule perdit plus de la moitié de ses habitants, les enfants nouveau-nés mouraient, pressant en vain le sein tari de leurs mères...