Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/18

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son palais jusqu’au chœur de sa cathédrale (B). Et les voilà ces prêtres du jeune homme de Nazareth, qui prêchait la pauvreté, l’humilité ! Dans leur orgueil infernal, il leur faut pour les conduire au temple de ce Dieu des humbles et des pauvres, une litière d’or attelée de trois grands seigneurs et d’un roi !

Donc, fils de Joël, lisez cette légende qui se passe à Paris en l’année 912.




La maison de maître Eidiol, doyen de la corporation des Nautonniers ou mariniers parisiens, était située non loin du port Saint-Landry et des remparts de la Cité, baignés par les deux bras de la Seine, et flanqués de tours à l’entrée du grand et du petit pont, qui seuls donnent accès dans la ville et nul ne peut les traverser sans payer un denier au péager de l’évêque ; la maison de maître Eidiol était, ainsi que toutes celles des pauvres gens du petit peuple, construite en charpentes solidement reliées entre elles, haute d’un étage, et couverte en chaume. Les basiliques, les riches abbayes de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Germain-d’Auxerre et autres, l’ornement des campagnes des deux bords de la Seine, ou bien encore les maisons occupées par les comtes, les vicomtes et les évêques de Paris, étaient seules bâties en pierre et recouvertes de toitures de plomb souvent dorées. À l’étage supérieur de la maison d’Eidiol, Marthe, sa femme, cousait auprès de sa fille Anne-la-Douce, qui filait sa quenouille. Eidiol, selon l’esprit de nouveauté de ces temps-ci, qui, des familles des rois et des grands, était descendu jusqu’au populaire des villes et des champs, avait donné un surnom à ses enfants, appelant sa fille Anne-la-douce, car rien n’était plus doux au monde que cette aimable enfant, d’un caractère angélique comme son visage ; Eidiol avait surnommé son fils Guyrion-le-Plongeur, parce que ce hardi garçon, marinier comme son père, était l’un des plus adroits plongeurs qui eût jamais traversé les flots rapides de la Seine. Anne-la-Douce filait son chanvre, assise à côté de sa mère, bonne vieille femme de