Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/182

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par des pèlerins que l’Anjou souffrait moins de la famine que d’autres provinces, nous nous sommes mis en route pour ce pays ; d’ailleurs l’Anjou touchait à la Bretagne, berceau de notre famille ; je désirais m’en rapprocher, dans l’espoir de retrouver peut-être en Armorique quelqu’un de nos parents. Notre voyage s’accomplit durant les premiers mois de l’année 1034 au milieu de mille vicissitudes, presque toujours en compagnie de pèlerins, de mendiants ou de vagabonds pillards. Partout sur notre passage nous avons vu les traces horribles de la famine et des ravages causés par les guerres privées des seigneurs. La petite Jehanne mourut de fatigue en route.

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Mon père Yvon-le-Forestier, interrompu par la maladie à laquelle il a succombé, n’a pu achever ce récit ; au moment de mourir il m’a remis ce parchemin, à moi son fils Den-Braô-le-Maçon ; il me l’a remis, ce parchemin, ainsi qu’un os du crâne de mon pauvre petit Julyan et le fer de flèche qui est joint à la légende laissée par notre aïeul Eidiol, le nautonnier parisien, pieusement conservée par mon père ; je la léguerai, ainsi que le récit précédent, à mon fils Nominoé... Un jour peut-être ces légendes seront jointes aux chroniques de notre famille, possédées sans doute par ceux de nos parents qui doivent encore habiter la Bretagne... Qui sait, hélas ! si nous les reverrons jamais ! Mon père Yvon est mort le neuvième jour du mois de septembre de l’année 1034. Voici comment s’est terminé notre voyage. Suivant le désir de mon père et afin de nous rapprocher de la Bretagne, nous nous dirigions vers l’Anjou. Nous sommes ainsi arrivés dans cette province, sur le territoire du seigneur Guiscard, comte du pays et du château de Mont-Ferrier ; tous les voyageurs qui passaient sur ses terres devaient un tribut à ses péagers ; les pauvres gens hors d’état de payer étaient, selon le caprice des gens du seigneur, contraints d’accomplir des actes pénibles, humiliants ou ri-