Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où notre petit Colombaïk était allé ramasser du bois mort. Perrine soupçonne ce cavalier d’avoir emporté notre enfant sous son manteau ; hélas ! depuis lors, il n’a plus reparu.

— Les soupçons de Perrine étaient justes.

— Grand Dieu !

— Tantôt, j’étais à la carrière ; plusieurs serfs chargés des réparations de la chaussée du château, à moitié détruite pendant la dernière guerre, sont venus chercher de la pierre. Depuis trois jours, je suis comme fou ; je parle à tout le monde de la disparition de Colombaïk. J’en ai parlé à ces serfs ; l’un d’eux m’a dit avoir vu, l’autre soir, à la tombée de la nuit, un cavalier tenant devant lui, sur son cheval un enfant de sept à huit ans, ayant les cheveux blonds...

— Malheur à nous ! — s’écria la malheureuse mère en pleurant, — c’était Colombaïk !

— Puis, le cavalier a gravi la montagne qui conduit au manoir de Plouernel et il y est entré.

— Mais que peuvent-ils vouloir faire de notre enfant ?

— Ce qu’ils en feront ! — s’écria le serf en frissonnant. — Ils l’égorgeront et se serviront de son sang pour quelque philtre infernal... Il y a une sorcière au château !

Jehanne poussa un cri d’épouvante ; mais la fureur succédant à son effroi, elle s’écria, délirante et courant à la porte : — Fergan, allons au manoir... nous y entrerons, devrions-nous arracher les pierres avec nos ongles... J’aurai mon enfant... la sorcière ne l’égorgera pas... non !... non !... — Et dans l’égarement de son esprit, Jehanne s’élançait dehors, lorsque le serf, la saisissant par le bras, l’arrêta ; mais presque aussitôt elle tomba défaillante entre ses bras ; il l’assit sur le sol et elle murmura d’une voix éteinte : — Il me semble que je vais mourir... on m’écraserait le cœur dans un étau que je ne souffrirais pas davantage... Je croyais avoir souffert tout ce qu’on peut souffrir depuis la disparition de Colombaïk... il