Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/221

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danger ; nous avons à choisir entre deux routes ; supposons qu’il y ait péril égal à les traverser... le bon sens veut que nous prenions la plus courte.

— Et moi, je soutiens le contraire ! — s’écria Simon-le-Moine, qui paraissait plus que personne redouter de passer sur les terres de la seigneurie de Plouernel ; — si la route est plus courte, elle est aussi doublement périlleuse.

— Hélas ! mon père, — dit Isoline au marchand, — est-il donc vrai qu’il y ait tant de dangers à redouter ?

— Non, non, chère enfant... Ce pauvre moine a l’esprit troublé par la peur. — Le Normand, marchand de reliques, ayant entendu les dernières paroles d’Isoline à son père, s’approcha d’elle, et lui dit avec componction : — Jolie jouvencelle, j’ai là, dans mon coffre de reliques, une superbe Dent provenant de la bienheureuse mâchoire d’un saint homme mort à Jérusalem, martyr des Sarrasins. Je vous céderai cette bienheureuse dont moyennant trois derniers d’argent. Cette sainte relique vous préservera de tout péril en voyage... — Et Harold-le-Normand se préparait à ouvrir sa balle pour en sortir la dent merveilleuse, lorsque Bezenecq-le-Riche lui dit en souriant, afin de rassurer sa fille : — Plus tard, notre ami, plus tard nous verrons ta relique... Elle préserve, dis-tu, de tout péril en voyage ?

— Oui, respectable citadin, je le jure sur mon salut éternel.

— Donc, puisque tu la portes, cette sainte relique, tu ne seras exposé à aucune mauvaise rencontre ; et comme nous marchons avec toi de compagnie, nous jouirons de la miraculeuse protection que tu portes dans ta boîte, ce qui ne nous empêchera point, si vous m’en croyez, mes compères, de prendre la route la plus courte ; quant à moi je la prends ; ceux qui partagent mon avis me suivront ! — ajouta le citadin en donnant deux coups de talon à sa mule, afin de mettre un terme à une discussion qui effrayait de plus en plus sa fille ; et il prit la route qui traversait le territoire de la seigneurie de Plouernel. La majorité des voyageurs suivit l’exemple et le conseil de