Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/225

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gne, passent forcément au pied du château. Habilement choisi est l’emplacement du repaire : il domine les deux seules voies de communication qui existent entre les villes les plus importantes de ces contrées. Une estacade barre à demi la rivière de Plouernel et sert d’abri aux barques du seigneur. Des bateaux marchands sont-ils signalés du haut du donjon ? aussitôt des hommes d’armes montent dans une barque, abordent les mariniers, leur font payer le droit de navigation, et souvent pillent les cargaisons. Non moins périlleux est le chemin de terre : un retranchement palissadé, au milieu duquel s’ouvre une porte, interdit, lorsqu’elle est fermée, le passage de la chaussée ; l’on ne peut la traverser que moyennant un péage arbitrairement imposé aux voyageurs par les hommes du comte, qui de plus larronnent les bagages à leur convenance. Soupçonnent-ils quelque personnage de pouvoir payer rançon, ils le traînent en prison et le torturent jusqu’à ce qu’il ait consenti à se racheter ; les malheureux trop pauvres pour satisfaire au péage sont, ainsi que dans toutes les seigneuries, forcés, hommes ou femmes, de subir des avanies obscènes, ridicules ou cruelles, au grand divertissement des gens du seigneur. Sur l’une des pentes de la montagne, moins escarpée du côté du nord, s’étage la petite ville de Plouernel, bâtie en amphithéâtre, à égale distance du manoir et de la plaine, où sont disséminés les villages habités par les vilains et par les serfs. Un chemin étroit, sinueux, ardu, bordé çà et là de précipices, conduit à la première enceinte fortifiée du château ; ses remparts, de trente pieds de hauteur, de dix pieds d’épaisseur, flanqués de grosses tours carrelées, ne forment qu’une masse avec le roc qui leur sert de base, roc taillé à pic et environné d’abîmes. La route vertigineuse qui serpente au-dessus de ces précipices aboutit à une porte massive bardée de plaques de fer et de clous énormes qui seule donne accès dans l’intérieur de la première enceinte, cour sombre où le soleil ne pénétrait que vers midi, en raison de la hauteur des nombreux bâtiments intérieurement adossés aux remparts ; ces bâtiments sont destinés au logement des hommes