Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/229

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servait de poste pour le guet. Azenor-la-Pâle, âgée d’environ vingt-cinq ans, était d’une beauté parfaite, son visage mat et blanc jamais ne rougissait, et ses lèvres, au lieu d’être vermeilles, avaient la froide blancheur de sa peau, de là son surnom ; un turban de riche étoffe de soie pourpre à mentonnière encadrant le visage de la sorcière, découvrait ses bandeaux de cheveux noirs comme ses sourcils et ses grands yeux ; ses lèvres aussi blanches que son teint, souvent contractées par un sourire amer, donnaient à ses traits, pareils à un masque de marbre, une expression sinistre, étrange. Sa tunique de drap d’argent, taillée dans quelque somptueuse chappe de l’évêque de Nantes, découvrait à demi ses larges épaules, son sein et ses bras dignes de cette belle statue grecque qui a survécu aux siècles, et que l’on admire encore, dit-on, dans le palais des ducs d’Aquitaine ; la tunique d’Azenor ne tombant qu’aux genoux, laissait voir, sous ses plis argentés, le bas de sa robe, pourpre comme son turban ; cette femme s’occupait, en ce moment, de confectionner, au moyen de morceaux de cire malléable, deux figurines pareilles à celle placée, le matin même, entre les dents de Perrine-la-Chèvre, lors de son agonie ; l’une de ces poupées portait une robe d’évêque, l’autre, une espèce d’armure simulée en étoffe grise ayant à peu près la couleur du fer. Azenor-la-Pâle plantait un certain nombre d’aiguilles disposées dans un ordre cabalistique, sur le côté gauche de la poitrine de ces deux poupées, lorsque s’ouvrit, en dehors, la porte du réduit, dont la sorcière ne pouvait sortir qu’à la nuit pour se promener sur la plate-forme du château ; Neroweg VI entra chez sa maîtresse et referma soigneusement la porte. Le comte de Plouernel, surnommé Pire-qu’un-Loup, alors âgé de cinquante ans, et d’une carrure athlétique, paraissait encore plein de vigueur ; sa coiffure ne ressemblait en rien à celle de son ancêtre, le comte Neroweg, Leude de Clovis, ou à celle de Neroweg-l’Aigle-Terrible, ce chef sauvage d’une tribu franque, tatoué de rouge et de bleu, vaincu dans la fameuse bataille des bords du Rhin par notre aïeul Scanvoch, frère de lait de