Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/279

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éperdue aux pieds du baillif, en criant : — Grâce... grâce pour mon père !

— Sa grâce dépend de lui, — dit Garin ; — qu’il abandonne ce qu’il tient en réserve.

— Mon père ! — s’écria la jeune fille, — j’ignore quels sont tes biens ; mais si, dans ta tendresse pour moi, tu songeais à réserver quelque chose, je t’en conjure... donne tout... oh ! donne tout !

— Tu entends ? — reprit Garin-Mange-Vilain avec un sourire sardonique, voyant le marchand atterré des imprudentes paroles que la terreur arrachait à Isoline, — je ne suis pas le seul à te soupçonner de nous dissimuler une partie de tes trésors, Bezenecq-le-Riche ! Eh ! eh ! en bon père, tu as voulu garder une grosse dot pour ta fille ?

— Garin, — vint dire au baillif un des bourreaux, — le feu est en brasier ; il pourrait s’éteindre si tu faisais passer l’homme par les épreuves du carcan et du croc.

— En faveur de cette jolie fille, je serai généreux, — reprit Garin ; — l’épreuve du gril suffira, mais avive le feu. Maintenant, réponds, Bezenecq-le-Riche ? une dernière fois, veux-tu, oui ou non, tout donner à mon seigneur le comte de Plouernel ?

— C’est à ma fille que je répondrai, — dit le marchand d’un ton solennel ; — les bourreaux ne me croiraient pas. — Et s’adressant à Isoline d’une voix entrecoupée de larmes : — Je te le jure, mon enfant, par le souvenir sacré de ta mère ! par ma tendresse pour toi, par toutes les joies que tu m’as données depuis ta naissance... je te le jure par le salut de mon âme... il ne me reste pas un denier !

— Oh ! mon père ! je te crois... je te crois ! — s’écria la jeune fille toujours agenouillée. Et se retournant vers Garin, elle tendit vers lui ses mains suppliantes en disant : — Vous entendez le serment de mon père ?

— Je crois Bezenecq-le-Riche incapable de laisser ainsi sa fille dépouillée de tous biens, — répondit le baillif. Et s’adressant aux