Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/29

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— Alors que ma fille reste ici, — répondit le vieux marinier avec impatience, — elle nous donnera et nous préparera ce dont nous avons besoin.

Le moine fit signe à Marthe d’accepter la proposition de son mari ; et elle accompagna le saint homme dans la chambre supérieure, où tous deux restèrent seuls. — Marthe, — se hâta de dire le chantre, — je n’ai que quelques instants à passer ici ; voici ce qui m’amène : ta fervente piété, celle de ta fille méritent une récompense ; écoute-moi : le trésor de l’abbaye de Saint-Denis vient de recevoir de notre saint père, de Rome, une relique d’un prix inestimable... une mèche de la chevelure de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

— Grand Dieu ! quel divin trésor !

— Doublement divin, car les fidèles assez heureux pour pouvoir toucher cette incomparable relique, ne seront pas seulement passagèrement soulagés de leurs maux, mais à jamais guéris.

— À jamais guéris ! — dit Marthe en joignant les mains avec admiration, — à jamais guéris !

— Et de plus, grâce à la vertu doublement miraculeuse de cette relique divine, ceux mêmes qui sont et ont toujours été sains de corps, sont pour toujours préservés des maladies futures !

— Ah ! bon père, quelle foule immense va se presser dans votre abbaye pour jouir de ces miraculeux bienfaits !

— Aussi je veux, en récompense de votre piété, que ta fille et toi, vous soyez des premières à vous approcher de ce divin trésor. Les seigneurs et les grands ne viendront qu’après vous.

— Quoi ! de pauvres femmes de notre sorte !

— « Les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers, » — a dit le Rédempteur du monde. Or, voici mon projet : on prépare une châsse magnifique pour cette incomparable relique ; elle ne sera pas offerte à l’adoration des fidèles avant la confection de cette orfévrerie ; mais je puis vous faire entrer secrètement, ta fille