Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/32

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découvert dans la chaire à prêcher ; les oiseaux étaient Jeannette-la-Plantureuse et Martin-Mâche-vite.

— Je m’en souviens, — répondit Rustique, — tous deux étaient de forcenés clients de la buvette du père Fultrade.

— Grâce à Dieu, le père Fultrade n’en est plus à vendre du vin et des grillades dans l’église ! — reprit Marthe avec une impatience chagrine, voyant les deux jeunes nautonniers chercher à humilier le saint homme à propos du petit commerce de vin et de victuailles auquel il s’était, selon l’usage des prêtres d’un rang inférieur, livré dans son église ; — le père Fultrade est, à cette heure, chantre de l’abbaye de Saint-Denis.

— Marthe, laisse dire ces fous ! — reprit dédaigneusement le moine en se dirigeant vers la porte ; — le vrai chrétien pratique l’humilité ; tout ce qui se fait dans le temple du Seigneur est sanctifié.

— Quoi ? père Fultrade, — reprit Rustique-le-Gai, — quoi ! tout est sanctifié, jusqu’aux ébattements de Jeannette-la-Plantureuse et de Martin-Mâche-vite dans la chaire à prêcher ?

Mais le chantre sortit en haussant les épaules sans répondre au jeune marinier.

— Rustique, — reprit aigrement Marthe, — si tu viens céans pour chercher à humilier notre bon père Fultrade, tu peux te dispenser de remettre les pieds ici.

— Allons, allons, chère femme, — dit Eidiol, — calme-toi ; ce garçon n’a dit après tout que la vérité ; est-ce que les bas-prêtres ne trafiquent point de vin et de victuailles dans les églises ?

— Grâces en soient rendues au Seigneur ! — répondit Marthe, — du moins, ce qu’on boit, ce qu’on mange dans le saint lieu est sanctifié, comme dit le vénérable père Fultrade ; cela ne vaut-il pas mieux que d’aller dans ces tavernes où Satan vous tend ses piéges ?

— Adieu, chère femme, je ne veux point disputer là-dessus, quoiqu’il me semble étrange, malgré la coutume qu’on en a, de voir